there's an endless road to rediscover. (Apollon)

Les journées se suivaient et, au fil de celles-ci, la colère et l’impatience d’Artémis grandissaient. Le souvenir de Séléné était revenu la heurter avec suffisamment de violence pour l’aider à retrouver ses envies de vengeance. Ne rien pouvoir faire lui faisait perdre raison, l’impression d’être un lion en cage privé de son instinct le plus primaire – dévorer sa proie sans lui laisser la moindre chance. Alors, elle finit par renoncer à la sagesse et la patience qu’on lui avait demandé – qui n’avaient, toutes les deux, pas duré plus de quelques jours. Depuis Sanctum, elle ne pourra toutefois pas faire grand-chose. C’est à New Haven que les Illuminatis étaient basés. C’était là-bas qu’ils avaient tué Séléné, et c’était là-bas qu’elle les pourchasserait jusqu’au dernier, peu importe si ça doit lui prendre des siècles. Si l’expédition pour rejoindre la ville mortelle a présenté son lot d’épreuves, Artemis ne s’en formalise pas. Au contraire, même. Elle embrasse avec joie les obstacles déposés sur son chemin, les voit plutôt comme un moyen de se défouler, d’entretenir ses réflexes. C’est probablement même la partie du voyage qu’elle préfère. A peine est-elle arrivée en ville que déjà, son humeur s’assombrit. Quelques années plus tôt, les humains avaient réussi à réveiller sa curiosité en tuant Odin. Elle avait jugé qu’ils n’étaient peut-être pas si insignifiants que ça et que, peut-être, ils méritaient un peu de son attention. C’était facile, de prétendre que le meurtre du dieu n’était qu’une conséquence logique de la faiblesse des Asgardiens. Que chez eux, ça n’arriverait pas. Maintenant qu’elle faisait partie des dommages collatéraux de leur insolence, qu’ils avaient osé s’attaquer à son entourage, la curiosité avait laissé place à une rage à peine contenue, qui n’était que l’expression d’une tristesse qu’elle ne savait gérer.

Mais elle savait qui pourrait l’aider à gérer – du moins elle l’espérait, consciente de l’état tendu de leur relation. Elle ne comptait rien réclamer, pourtant, préférait prétendre être de passage, fierté toujours trop pressante et envahissante. Malgré la situation, elle ne frappe pas, estime être toujours chez elle près de lui. « Apollon ? » Artemis préfère faire connaître sa présence. Loin d’elle l’envie de tomber sur son jumeau et son aventure éventuelle du moment, pas avec le peu de patience dont elle dispose ces temps-ci. Quand enfin elle le trouve, elle a l’impression d’aller déjà un peu mieux. S’il leur est déjà arrivé de rencontrer quelques conflits, la chasseuse n’a pourtant jamais réellement réussi à s’y faire. Elle est bien trop habituée à le voir comme une constante éternelle de sa vie, comme le rocher sur lequel elle pourra s’ancrer quand tout dérive un peu trop. Non pas qu’elle le lui ait déjà dit. Sur le terrain des sentiments, Artemis est loin d’être aussi à l’aise qu’avec un arc ou une dague. « Je suis venue voir si tu avais terminé cette crise ridicule ou si tu comptais m’en vouloir quelques siècles encore. » Posture hautaine, loin du conflit qu’elle voulait pourtant résoudre. C’était toujours plus facile que d’admettre qu’elle était là parce qu’elle avait besoin de son frère pour panser les maux qui n’avaient de cesse de la torturer.

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THERE'S AN ENDLESS ROAD TO REDISCOVER

w/@Arya Wilde // An older sister is a friend and defender - a listener, conspirator, a counselor and a sharer of delights. And sorrows too. (mois, année)

Ces derniers temps, tu étais assez distrait. Et ça devenait quelque peu pénible. Surtout dans le milieu professionnel. Il te devenait difficile de rester parfaitement concentré. L’avantage de ton statut c’était qu’au moins ça ne te portait pas trop préjudice. En simple salarié, tu aurais eu des soucis, pour sûr. L’esprit trop ailleurs, tracassé par plus ou moins beaucoup de choses à la fois. Cet Erebos qui te sortait par les yeux et te donnait d’affreuses envies de meurtre, les récentes tensions avec ta sœur. On pouvait même élargir cela à un contexte familial qui avait été meilleur, d’ailleurs. Et puis cette morosité qui te prenait, résultat d’un affreux sentiment de solitude, que tu tentais, en vain, de combler par un nombre ahurissant de conquêtes sans lendemain, et surtout sans saveur.

Et aujourd’hui, tu te sentais tourner en rond, seul dans ce penthouse parfois un peu trop grand pour toi tout seul. Tu avais donc voulu t’occuper pour faire passer le temps. La peinture, vite éliminée, n’ayant pas de modèle sous la main l’envie t’était passée. La poésie, pour encore écrire d’énièmes vers déprimants, très peu pour toi. De la musique, assez peu original venant de toi. Soupir de lassitude, tu t’étais simplement laissé retomber mollement dans ton divan, le visage tourné vers la grande baie vitrée qui donnait sur le haut d’autres gratte-ciels. Il n’y avait selon toi, rien de pire que de se sentir profondément seul. Finalement, de qui étais-tu le plus jaloux ?

C’est une voix bien trop familière qui te tire de tes songes, te fait presque sursauter tant tu ne t’attendais pas à l’entendre retentir de sitôt. «-Apollon ?» Tu te redresses d’un coup, même trop brusquement. T’as tellement de mal à y croire que pendant un instant tu te demandes si ce n’est pas un vilain tour joué par ton esprit désespéré. Mais tes doutes sont vite balayés, quand c’est elle qui te trouve sans peine. Tu te lèves du sofa, pour lui faire face, retenant un soupir de soulagement. Parce que même si tu es content de la voir, et bien… Tu es toujours profondément blessé dans ton ego. «-Je suis venue voir si tu avais terminé cette crise ridicule ou si tu comptais m’en vouloir quelques siècles encore.» Tu arques les sourcils, avant de lâcher un rire nasal qui prouvait qu’au contraire, cette petite réflexion ne te faisait pas rire le moins du monde. «-Ridicule ? Je crois que juste pour l’emploi de ce terme, très chère sœur, je devrais continuer de t’en vouloir.» Réponds-tu, encore une fois vexé, en croisant les bras. Finalement, la joie de la revoir était redescendue en flèche par la simple utilisation de ce mot. «-Je présume que je n’ai pas besoin de t’offrir le gîte et le couvert ? Un autre s’en chargera.» Pique complètement gratuite, tu devais bien l’admettre. Mais puisqu’apparemment tu te montrais ridicule, autant lui donner une bonne raison de le penser, et l’être jusqu’au bout. Et puis tu n’y pouvais rien, si cela te rendait malade de savoir ta sœur subitement préférer loger chez ce type plutôt que chez son frère. Savoir ta sœur adorée, seule, chez Erebos. Ça te rendait fou de rage. Il n’était, selon toi, en rien un bon parti pour ta sœur.

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Elle aurait pourtant du savoir, Artémis, que rien ne serait facile. Que son égo a souffert quand elle est partie vivre avec Erebos, provoquant entre eux une dispute qui a maltraité son cœur plus qu’elle ne l’a laissé paraître. Sur ce point, ils se ressemblent, fierté trop développée pour que l’un ne renonce sans égratigner l’égo de l’autre au passage. La chasseuse aurait pu tenir encore longtemps, si le dieu des ténèbres ne s’était pas évertué à piétiner son cœur. Ajouté à la perte de Sélénée, la déesse s’était retrouvée plongée dans un tourbillon d’émotions, elle qui s’évertuait pourtant à étouffer tout ce qu’elle éprouvait. Plus que jamais, elle avait besoin de la présence de son frère, seule constante de sa vie éternelle. Malgré cette nécessité constante, elle ne peut s’empêcher de l’attaquer sans déceler le mal derrière ses propos. Elle est trop habituée, Artémis, à se montrer cassante, même avec ceux qu’elle aime. Elle est habituée à ce qu’Apollon pardonne tout, à ce qu’il comprenne sa façon d’agir. Mais cette fois, elle réalise que c’est différent, que la séparation imposée a changé les choses entre eux. Elle soupire tout de même face à la réponse de son jumeau – elle n’avait pas envie de se battre, pas avec lui en tout cas. La déesse préférait diriger toute sa rage vers les Illuminatis – et, accessoirement, envers Erebos. Apollon ne fera jamais partie de ceux qu’elle voulait combattre, pas même avec les mots. Elle croise les bras sur sa poitrine, pourtant, posture défensive face au ton agressif de son frère. La chasseuse se crispe quand Erebos est évoqué. Un léger silence s’installe – quelques secondes seulement, le temps qu’elle se demande comment réagir.

« Il a changé d’avis. » Regard fuyant, la colère revient pourtant l’agiter. Enfin, Artémis relève la tête, yeux qui se posent sur son frère. Si elle ne comptait pas, initialement, lui dire la vérité, elle réalise que mentir était inutile. Il finirait par l’apprendre, d’une façon ou d’une autre. Et puis, s’il se mettait en colère, tant mieux. Erebos méritait bien d’affronter le courroux de son frère qui pouvait, même si on le sous-estimait bien trop souvent, être un guerrier redoutable. « Ou plutôt, il a décidé de me mettre dehors. » L’indignation mêlé au scandale que l’on détecte facilement dans ses mots. Jamais encore on ne l’avait ainsi traité, humilié. L’affront était tel que son palpitant peinait encore à s’en remettre et que tout son être n’avait fait qu’irradier de colère depuis son départ, ce qu'elle devrait admettre, restait récurrent pour elle. Mais cette fois, c'était bien différent. « Qu’importe. Tu avais raison, il n’est qu’un dieu minable qui ne mérite même pas mon attention. » Même si son cœur bat furieusement à la simple mention de son nom. Elle trouvera bien une façon de noyer ces sentiments non-désirés qui lui faisaient regretter la présence des ténèbres. La déesse fait quelques pas, tentative vaine de canaliser cette haine qu’elle éprouvait et qui la consumait. « Ce n’est pas pour parler de lui que je suis ici, Apollon. » Volonté de passer à autre chose, de ne plus discuter de celui qu’elle désirait tant oublier. Elle n’était pas sûre, cependant, que son frère saurait passer à autre chose si facilement, lui qui avait tant espéré qu’elle finisse pas ouvrir les yeux et qu’elle ne se débarrasse des ténèbres malmenant son cœur.

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