now the day bleeds • (nyx)

Il n'avait guère eu le temps de lui rendre visite la fois précédente. Son dernier passage à Sanctum avait été excessivement...abrupt. Les ténèbres ne s'étaient même pas approchés de la demeure de la nuit. A son arrivée sur l'île, Erebos avait croisé presque trop facilement la route de Forseti au sein du Palais Aeterna. Un palais aux ailes désertées par les divinités, toutes retranchées dans leurs quartiers pour une nuit sanguine. Ce soir-là, il avait suffit d'une étincelle pour enflammer le brasier perpétuel somnolant dans la poitrine du dieu des ombres. Une étincelle faite de rancœur amer, celle d'avoir été repoussé par les siens, au profit d'un asgardien pour siéger au Conseil. Erebos avait convoité cette place à la fondation de Sanctum. A un tel poste, il aurait enfin pu prouver aux autres divinités de quoi il était capable. Il aurait pu montrer à tous ses qualités de dirigeant et divulguer des conseils avisés. Mais le dieu des dieux en avait décidé autrement et on avait préféré le relayer au seconde plan, pour lui préférer Forseti. Une fois de plus, l'on avait fait de lui un dieu mineur, qui resterait dans l'ombre pour toujours, puisque tel était son domaine. Le dieu n'avait jamais décoléré de cet évincement et s'il avait autant affronté Artémis à l'époque, c'était certainement pour tenter de punir Zeus, sans l'attaquer de front.

Fusse l'éther de son fils inondant ses veines ou son âme rancunière échauffée par le soleil rouge, Erebos avait en quelques minutes commis l'irréparable. Les souvenirs de cette nuit étaient encore confus dans son esprit épris de démence lors de l'acte. Il avait cru à un cauchemar sur l'instant, avant que l'éther qui ne finisse par quitter son corps et que le sang sur ses mains restent inscruté. Dès lors, le dieu des ténèbres s'en était allé trouver son fils auquel il avait confié homicide, le blâmant pour sa transe psychotique. Maudit fût l'éther. Maudit fût le soleil rouge. Erebos avait rejoint les Enfers le plus vite possible pour s'y cacher, craignant d'être suspectés par les dieux à Sanctum et abattu par les humains à New Haven, qui s'étaient lancés dans une chasse au divin, suite à l'explosion au Sénat. Il ne faisait aucun doute pour personne que les ténèbres avaient été pris d'une peur panique. Les semaines rouges avaient fait ressortir le pire et le meilleur de chacun. Jamais Erebos n'aurait pensé en arriver à de telles extrémités. Il avait l'âme belliqueuse, mais pas sanguinaire. En optant pour la fuite, Erebos avait laissé beaucoup de choses et de personnes derrière lui. Notamment, Artémis (qui ne l'avait pas très bien pris) et sa sœur Nyx, qu'il n'avait pas revu depuis plusieurs lunes déjà.

Elle lui avait manqué. Souvent, il avait songé à elle. S'interrogeant sur son état, se demandant si l'astre rouge avait eu le même effet sur elle, que sur lui. Il s'était demandé si elle avait ressenti sa démence, si dans ses songes elle avait vu son acte, si elle savait. Leur deux âmes étaient liées par un indescriptible mystère, à la fois sœurs et conjointes. Ce qui affectait l'un, affectait souvent l'autre. Même si son mépris pour Forseti l'emportait sur sa raison, Erebos n'était pas fière de ce qu'il avait fait. Il tentait d'anticiper la réaction de Nyx face à son crime, mais il avait trop de respect et de tendresse pour elle, pour pouvoir lui avouer sans avoir peur de lui faire du mal. Cependant, il ne pouvait pas rester éternellement sans la voir. Il devait s'assurer de son état, s'assurer qu'elle hanterait toujours ses nuits quoiqu'il arrive et que lui veillerait éternellement sur les siennes. « Tu ne dors pas ? » demanda Erebos, qui venait de s'extirper des ombres pour apparaître dans la chambre de sa sœur. La pièce était encore dans la pénombre. Au loin par la fenêtre, l'aube perçait doucement sur la Méditerranée. « Le soleil commence à se lever pourtant » dit-il, en la rejoignant à tâtons. La déesse de la nuit ne dormait jamais pendant que la lune était élevée dans le ciel, elle ne trouvait de repos qu'aux premiers rayons de l'astre solaire. Ne s'étant pas annoncé, le dieu s'arrêta quelques instants, à distance, pour attendre sa réaction. Puis, il s'approcha d'elle pour glisser une main tendre sur sa joue. Son pouce dessina le contour de son œil à l'apparence fatigué. « Je suis heureux de te voir » sourit-il, avec sincérité. Heureux de la voir entière malgré la faiblesse sur son visage. Etait-ce de sa faute ou celle du soleil rouge ? Erebos s'était peut-être exilé trop longtemps.

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D'un simple sourire, sa soeur l'invita à s'allonger dans le lit et les ténèbres retrouvèrent leur place naturelle auprès de la nuit. La chambre était plongée dans l'obscurité, mais le visage de Nyx lui apparaissait aussi clair qu'en plein jour. Elle demeurait inchangée, le regard fière et haut, empli d'une candeur qui lui était inconnue. La nuit était à la fois son miroir et son contraire. Deux âmes jumelles issues du Chaos primordial, l'une enragée et l'autre tendre. Lorsqu'ils se retrouvaient, ces deux facettes de leur personnalité s'entre-mêlaient. Erebos se dulcifiait, quand sa soeur devenait plus revêche. La main posée contre sa joue, il caressa le contour de ses yeux qu'il trouvait fatigué. Son sommeil avait dû s'en trouver troubler ces derniers temps, certainement autant que le sien. Parfois, le dieu des ténèbres regrettait le temps de l'après-chaos. Ce temps où la notion même de celui-ci n'existait pas et que seules leur deux âmes s'épanouissaient dans le néant. Le silence. L'obscurité infinie. Tandis qu'il contemplait son visage délicieusement retrouvé, les doigts de Nyx s'enroulèrent autour de son bras comme un serpent. La chaleur de son corps ami lui avait manqué. « Aux Enfers » avoua-t-il, dans un soupir presque gêné. Il avait pris la fuite, comme une vulgaire proie pourchassée. Le courage ne faisait pas partie de ses attributs divins. Paradoxalement, il avait tout à perdre et tout à prouver aux autres dieux de son panthéon. Un coup d'éclat ne suffirait guère à lui allouer une place sur l'Olympe, mais une simple erreur pouvait le faire chuter immédiatement de son piédestal. Selon les nouvelles lois divines et les accords passés entre les différents panthéons, tout meurtre perpétré par un dieu à l'encontre d'un autre mettrait fin à des siècles de paix et vaudrait comme déclaration de guerre. Erebos avait tout à perdre en avouant l'assassinat de Forseti. Il avait tout intérêt à ne pas être découvert, mais le secret qu'il portait en lui était devenu trop lourd. « Je devais disparaître pendant un moment » reprit-il, en fuyant le regard de sa soeur. Sa main quitta son visage pour s'emparer de la sienne et la presser dans sa paume. 

C'était comme si elle avait déjà compris. Peut-être savait-elle sans même avoir besoin de lui avouer. L'urgence était passée, mais l'acte demeurait. Erebos avait eu tout le temps du monde pour prendre du recul aux Enfers. Il avait pesé le poids de sa lâcheté et de sa rage éthérée. Il avait tué un autre dieu. Après des millénaires d'amertume et de rancœur divine, il avait enfin franchi le pas, faisant couler le sang par vanité et non par vengeance. La mort de Forseti ne lui avait rien apporté. Il se sentait vide, indifférent. Au contraire, il se sentait fragilisé, car il savait au fond de lui-même qu'en temps normal, il aurait été incapable d'un tel acte de barbarie. Le soleil rouge et la drogue de son fils avaient faussé son jugement. Il avait manqué de lucidité, de maîtrise de soi. « Je dois t'avouer quelque chose, Nyx » commença-t-il, la gorge serrée. Le silence qui suivit se fit étonnement long. Comment lui dire ? Comment lui avouer ? Comment confesser à sa sœur qu'il faisait partie de ces dieux traîtres qui avaient profité de la lune sanglante pour ôter la vie à leurs homologues ? Erebos savait que Séléné avait également trépassé cette nuit-là. Artémis l'avait pleuré, elle criait sa vengeance. Nyx avait perdu celle qui partageait ses nuits, une amie de cœur. « J'ai tué un autre dieu » avoua finalement Erebos, à demi-mots. Il serra la main de sa sœur, espérant qu'elle ne rompe pas le contact. 

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Il lui avait manqué son frère, son âme sœur. Elle appréciait de sentir sa chaleur à ses côtés. Ils étaient les deux faces d’une même pièce et une fois rassemblés, elle se sentait entière, complète. Elle ne lui reprochait jamais ses absences car elle ne voyait pas le temps défiler comme une mortelle. Elle pensait parfois au risque qu’il prenait à être proche des humains au sénat. Et s’ils le découvraient ? Elle se demandait s’ils tueraient ses Ténèbres, non impossible. On ne les tuait pas ainsi, mais le risque existait bien sûr. Elle lui demanda où il était allé. Nyx fut surprise d’apprendre qu’il avait été aux enfers, malgré tout, elle ne dit rien. Elle était patiente et convaincue que son frère lui donnerait une autre information très importante. Était-il allé voir leur fils en bas ? Pourquoi aller aux enfers sinon ? Là encore, elle garda le silence, songeuse. Elle sentait bien que quelque chose clochait, surtout quand il avoua qu’il devait disparaître un moment. Il fuyait son regard, c’était choquant, il n’agissait jamais ainsi d’habitude. Il pressa sa paume et elle lui rendit sa pression. « Mais tu es revenu. » Pourquoi être revenu ? Pourquoi vouloir disparaître sans lui parler ?

Ils étaient liés par un lien inexplicable pour les mortels. Qu’avait-il pu faire pour désirer disparaître ? Elle pensa à Artémis. S’était-il disputé avec la déesse de l’Olympe ? Ce serait un comble tout de même de fuir à cause d’elle. Non c’était autre chose, forcément. Cela ne pouvait pas être aussi simple. Heureusement qu’elle était patiente et qu’elle attendait. Malgré tout, la curiosité picorait son estomac. Elle osa lui demander s’il y avait une urgence. Elle garda encore plus le silence alors qu’il dit devoir avouer quelque chose. Son pressentiment s’accentua, mais elle ne montra rien. Son visage était hermétique, la tempête intérieure ne se dévoilait aucunement. Elle tenait bon. Qu’avait fait son frère, sa moitié ténébreuse ? Plus rien ne pouvait l’étonner, c’était ce qu’elle se disait pour se rassurer. Le silence s’étira longuement, infiniment et pourtant vu son âge, elle avait l’habitude de l’infini. L’annonce tomba comme un couperet. Il avait tué un autre dieu. Nyx réagit en clignant des yeux, sentant son frère serrer sa main comme s’il avait peur qu’elle s’envolât. Son corps se glaça, lentement, mais sûrement. Elle voyait les retombés de son acte, si les dieux l’apprenaient, cela risquait de déclencher une guerre. « Qui ça ? » Était-ce vraiment important ? Oui car selon le dieu, le conflit serait sanglant. Elle n’abandonnerait jamais son frère, soutenant les Ténèbres à jamais.

Ils étaient là depuis toujours, ce n’était pas cela qui allait les séparer. « Je ne te laisserai pas Erebos. Nous allons trouver une solution. » Sa voix était féroce et déterminée. « C’étaient pendant les semaines rouges ? » Ces mêmes semaines qui l’avaient rendue folle. Elle avait dû lutter pour ne pas sortir de chez elle et s’en prendre aux autres. De laisser ses pouvoirs exploser, de se venger de certains dieux et déesses. Cela avait été si tentant, mais elle avait tenu bon. Nyx était désolée que son frère n’ait pas eu la même force qu’elle. Ses actes allaient leur coûter chers car oui, elle ne pouvait abandonner son frère à son sort. C’était impossible pour elle. Avait-il craint sa réaction ? Probablement vu comment il se comportait. Elle glissa sa main sous son menton pour tenter d’attirer son attention et qu’il la regardât. Elle était triste de voir qu’il la pensait capable de l’abandonner. « Nous avons traverser tant de choses, tant de siècles. Croyais-tu que je fusse n’importe qui et que j’abandonnerai mes Ténèbres ? » Non, il en fallait plus. En fait, y avait-il une raison suffisante pour l’abandonner ? Jamais pour elle. Ils étaient indissociables, liés à jamais.