she's like the wind. (sigyn)

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w/@Sigrid Olsen // She leads me through moonlight only to burn me with the sun. She's taken my heart but she doesn't know what she's done

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Les festivités battaient leur plein. Les fêtes asgardiennes pouvaient faire pâlir d’envie celle des autres panthéons – surtout quand cette fête résultait d’une victoire guerrière. Dieux et déesses se mêlaient, enivrés par l’hydromel qui coulait à flot. Leurs rires raisonnaient, voix tonitruantes qu’on ne saurait taire quand une glorieuse bataille est là, prête à être racontée, jusqu’à raisonner et se muer en murmures parvenant aux oreilles des mortels. Heimdall se ravissait de ces moments où la joie l’emportait, quand conflits et ententes précaires semblaient presque mis de côté, parenthèses éphémères qui permettaient de supporter les jours plus sombres. Sa coupe d’hydromel se renversa alors qu’il se pencha trop vite vers Odin, se rattrapant au bord de la table dans un éclat de rire qui en provoqua une dizaine d’autres. Il n’y avait que dans ces rares instants que le dieu se permettait de baisser les armes – à moitié seulement. Si son corps était détendu, une partie de son esprit restait à l’affut de la moindre menace. C’était plus fort que lui, comme si tout abandonner pour quelques heures seulement causeraient la réalisation des pires prophéties. Sans doute qu’il prenait son rôle trop au sérieux mais ça lui était égal – il préférait les railleries au risque de perdre un des siens. Et puis, il serait un bien piètre protecteur s’il n’était pas aussi concerné par le sort de son panthéon. Faire attention ne signifiait pas pour autant ne pas profiter comme c’était le cas ce soir-là. Pourtant, alors qu’il s’installa sur une des chaises en bois, écoutant d’une oreille distraite les bavardages et récits, son esprit festif s’envola, happé par des pensées bien différentes. L’envie de rester près des siens pour profiter de la nuit encore naissante et l’envie de la retrouver pour commettre la pire des folies se livraient une guerre sans merci. Il suffit au dieu de terminer sa coupe pour qu’un élan de courage ne l’envahisse.

Sa décision était prise. Il se releva un peu trop brusquement, tituba légèrement avant de se redresser. Heimdall se lança alors à sa recherche, les couloirs et pièces du palais qu’il ne connaissait que trop bien désormais. A mesure qu’il progressait dans les couloirs, le dieu se reprit un peu – l’alcool était toujours là, brouillant ses pensées et ses envies, mais il parvenait à marcher sans percuter les murs ce qui était déjà un exploit. Finalement, il passa devant une porte ouverte où il l’aperçut. Sigyn était là, dos à lui, visiblement pensive. Son cœur loupa un battement, comme bien trop souvent quand elle était proche de lui. « Je me demandais où tu étais. » dit-il avant d’entrer, présence qu’il fait connaître pour ne pas la surprendre. La déesse se tourna vers lui alors qu’il franchissait le pas de la porte. La beauté et la douceur qui émanaient d’elle n’avaient de cesse de lui couper le souffle, impression de la découvrir à nouveau à chaque fois qu’il la voyait. Cela faisait pourtant des années qu’ils se connaissaient, des années qu’elle réveillait en lui une affection qu’il n’aurait pas cru possible. Les sentiments ne l’ont pas envahi progressivement – ils l’ont heurté sans prévenir, dieu impuissant face à l’immensité des émotions. « Les festivités ne sont pas à ton goût ? » Si l’envie de lui parler de ce qui le trouble depuis trop longtemps est là, il ne veut pas la brusquer – pas elle, la douceur même, pas elle qui ne mérite que tendresse et amour inconditionnel.

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“...unrequited love does not die; it's only beaten down to a secret place where it hides, curled and wounded. For some unfortunates, it turns bitter and mean, and those who come after pay the price for the hurt done by the one who came before.” @Isak Landgaard

Une nouvelle bataille, une nouvelle victoire, une nouvelle nuit de célébrations. Et une fois n’est pas coutume, Sigyn se sent comme un agneau au milieu des loups. L’hydromel et la bière coulent à flots, le banquet est sans cesse alimenté de plats et les rire résonnent fort dans le palais d’Odin. Assise au bout d’une table, Sigyn s’efforce de garder un sourire enjoué sur le visage alors qu’en réalité elle meurt d’envie d’échapper au vacarme ambulant. Elle n’est là que pour faire bonne figure, elle qui n’a jamais été guerrière que dans les rêves de Freyja. La coupe d’hydromel posée devant elle est encore à moitié pleine, de même que son assiette. Son regard vagabonde dans l’assemblée ; ils semblent tous si heureux… Sa mère est naturellement en train de trinquer avec Odin, Thor et Balder semblent déterminés à savoir lequel d’entre eux peut terminer sa chope le plus vite, Tyr semble d’humeur taciturne comme à son habitude et la plupart des déesses sont engagées dans des conversations qui ont l’air… passionnantes ? Quant à Heimdall, il a l’air bien moins introverti que d’ordinaire, sans doute grâce à l’hydromel. Le voir aussi enjoué lui arrache un sourire sincère, avant qu’elle ne s’empourpre en croisant le regard de Loki. Son cœur loupe un battement et elle a vite fait d’attraper sa coupe pour prétendre être occupée et pas le moins du monde troublée, même si le rouge de ses joues la trahit. Elle n’est pas encore habituée aux sursauts de son cœur, qui s’emballe et lui fait perdre tous ses moyens lorsque le dieu est en sa présence. Finalement, lassée d’être assommée par les récits guerriers et sanguinaires des uns et des autres, Sigyn s’excuse et disparait du grand hall où ont lieu les festivités. À peine l’a-t-elle quitté qu’elle se sent déjà bien mieux, plus légère et apaisée loin de toute cette agitation. Elle déambule un instant dans les longs couloirs du palais, jusqu’à ce qu’elle sente un courant d’air frais sur peau. L’un des salons privés de la reine est restée ouvert, alors elle s’avance jusqu’au balcon qui donne sur les jardins et s’accoude sur la balustrade. Elle frissonne quand la brise de la nuit effleure sa peau, puis elle soupire doucement. Quelques éclats de voix lui parviennent encore mais elle est à présent loin de la cacophonie qui commençait à lui faire mal au crâne. À moins que l’hydromel ne lui soit tout simplement monté à la tête ? Ce ne serait guère étonnant. Elle ne fait pas plus honneur à la boisson qu’aux talents guerriers, alors sans doute a-t-elle bien fait de ne pas boire plus que de raison.

Sigyn grimace lorsqu’elle entend des pas résonner dans les couloirs ; bon gré mal gré elle se prépare à rencontrer un dieu ivre mort… Pour soupirer, soulagée, lorsqu’elle réalise qu’il s’agit d’Heimdall. Un sourire aux lèvres, elle se retourne et se redresse, comme pour l’inviter à la rejoindre. « Tu me connais, je suis toujours aussi peu friande de ce genre de célébrations. Cette fois, j’ai préféré tirer ma révérence avant que Thor ne commence à détailler de quelle façon il a répandu les entrailles d’un Jötunn, ou le son qu’a fait un crâne en rencontrant brutalement Mjöllnir. » Sigyn a beau avoir le cœur plutôt bien accroché, c’est pourtant le genre de détails qu’elle n’a pas particulièrement envie d’entendre au moment du repas. Elle sait qu’Heimdall lui épargnera ces discussions pour lesquelles elle n’a que très peu d’intérêt, et qui ont le don de lui rappeler combien elle diffère des autres Asgardiens. Ils ne sont pas plus d’une poignée à l’accepter telle qu’elle est, tout en douceur et en fragilité. Heimdall est certes bien plus doué à l’épée qu’elle ne le sera jamais, mais ils ne sont pas si différents, elle et lui. C’est sans doute la raison pour laquelle elle apprécie à ce point sa compagnie, il ne lui donne pas l’impression d’être le mouton noir d’Asgard. « Que fais-tu ici ? Quelque chose t’a fait fuir ? Tu avais pourtant l’air de bien plaisanter avec Odin. » Elle ne peut s’empêcher de pointer sa chemise légèrement trempée d’hydromel en riant. Sa petite glissade ne lui a pas échappé, et lui a arraché l’un de ses rares sourires de la soirée. « Tu as l’air… de merveilleuse humeur, Heimdall. » Délicate façon de sous-entendre qu’il est bon de le voir baisser un peu les armes, lui qui passe son temps à prendre soin des autres au point d’oublier de prendre soin de lui.

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Heimdall n’avait jamais prévu d’avouer quoi que ce soit à Sigyn ce soir-là. Il comptait bien garder ses sentiments pour lui longtemps encore, lui qui ne connaissait que trop bien l’issue probable de cette conversation. Evidemment, rien n’était jamais sûr, même pour celui qui pouvait tout voir. Sa vision lui avait pourtant permis de comprendre que les tendresses de la déesse se porteraient sur Loki. Pourtant, l’espoir était là, lumière vacillante, fragile, qui pourrait s’éteindre bien facilement. Même en dépit de cet espoir, il aurait aimé garder ça pour lui – qui était-il, pour oser espérer qu’elle ne retourne son amour ? Ce n’était pas là son destin. Le dieu se devait de se concentrer sur ce panthéon qu’il s’évertuait à protéger, sur les menaces toujours trop nombreuses qui se profilaient. Que se passerait-il, s’il se laissait aller à aimer pleinement ? Son attention ne serait plus entièrement focalisée sur ce qu’il devait voir et il craignait les conséquences désastreuses qui pourraient en découler. Le palpitant avait pourtant été plus fort que tout, probablement aidé par l’hydromel qui avait coulé à flots, et le voilà face à elle, prêt à tout avouer. Il prend son temps, pourtant. Il ne connaît que trop bien la douceur de Sigyn et jamais il ne voudrait la précipiter. S’il s’est enfin décidé à se lancer, il compte bien le faire de la meilleure des façons – enfin, autant que c’était possible dans l’état actuel dans lequel il se trouvait. Le guerrier préfère l’approcher avec prudence, quand bien même son air enjoué traduit facilement son ivresse. La déesse le connaissait suffisamment pour comprendre qu’il avait célébré la victoire avec quelques coups d’hydromel bien remplies. A bien y réfléchir, Heimdall n’est pas étonné de voir son amie loin des récits sanglants. Elle n’a jamais vraiment eu l’esprit guerrier ce qui, de son point de vue, était une bonne chose. Certes, les Asgardiens étaient réputés pour les batailles qu’ils menaient avec enthousiasme, pour la barbarie dont ils faisaient parfois preuve envers leurs ennemis. Quelque part, cette réputation permet de distiller la crainte dans les rangs adverses et dissuadaient sans doute bien des ennemis potentiels. Pour autant, il ne comprenait pas pourquoi ils devraient tous être prêts à prendre les armes. Avoir une déesse aussi douce que Sigyn dans leur rang était tout aussi vital. Elle était celle qui leur permettait de retrouver le moral après les défaits ; elle était celle qui pansait les blessures, permettait de tourner la page. Elle était celle qui se servait des mots et qui apportait un soutien infaillible ce qui, finalement, était essentiel en temps de guerre. Si bien des dieux ne le comprenaient pas, Heimdall lui l’acceptait et l’aimait pour ça.

« Vraiment ? C’est étonnant. Je ne connais rien de mieux que les détails barbares et sanglants d’une bataille pour ouvrir l’appétit, pourtant. » Œillade complice alors qu’il fait quelques pas pour pénétrer dans la pièce. Le dieu réalise finalement qu’il ne sait pas comment faire. Lui, si à l’aise avec une épée, se retrouve gêné, anxieux face aux paroles qui viennent à lui manquer. Il laisse échapper un léger rire quand elle pointe sa chemise imbibée d’alcool. Il a presque l’air d’un enfant pris sur le fait, prêt à se faire gronder après une bêtise commise. « Je passais vraiment un bon moment, mais tu sais comment sont ces banquets. Parfois c’est un peu.. Un peu trop, si je peux dire. » Peut-être que ce n’était pas la raison principale pour laquelle il était parti, motivations qu’il garde précieusement. Néanmoins, c’était toutefois vrai. Si Heimdall adorait participer de temps en temps à ces célébrations, elles deviennent vite un peu trop intenses pour lui - la faute sans doute à ses sens décuplés qui lui font entendre chaque chuchotement, chaque froissement, pour former un bourdonnement incessant s’il se laisse trop aller et perd le contrôle. « Je suppose qu’il faut remercier l’hydromel pour cela. » L’hydromel et son cœur battant à vive allure face à elle, ce qu’il s’abstient bien de dire. Nerveux, il porte ses mains derrière son dos pour cacher ces doigts avec lesquels il joue comme pour calmer ses nerfs. « J’espère que je ne te dérange pas. Je ne désirais pas rompre ta solitude, si c’est ce dont tu avais besoin. » Loin de lui l’idée de la contrarier. Finalement, incapable de tout avouer en lui faisant face, il fait quelques pas jusqu’au balcon. L’air frais lui insuffle un peu de courage et l’aide à rester concentré. « Pour être honnête, si j’ai quitté les festivités, c’est également parce que je désirais te voir. » Peu à peu, il progresse, s’approche du sujet qu’il peine tant à aborder. Il s’en veut presque d’être aussi hésitant – on aurait du mal à croire qu’il est le même que celui qui fonce en premier sur le champ de bataille, sans la moindre hésitation. « J’ai besoin de voler un peu de ton temps, si tu me le permets. Il y a longtemps que je voulais te parler de quelque chose qui pèse sur mon cœur mais que je n’ai jamais réussi à te dire par lâcheté, sans doute. » Celle qu’il avait mis de côté, pour le meilleur ou le pire.

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Les batailles, les beuveries, les festins… Très peu pour Sigyn. Elle n’est pas à l’aise au milieu de l’élite asgardienne, elle a l’impression d’être un agneau perdu au milieu des loups. Et sans doute n’est-ce pas bien loin de la vérité ; après tout la déesse n’a rien d’une guerrière merveilleuse, et elle ne se réjouit pas des victoires obtenues au prix du sang versé. Elle préfère donc d’esquiver discrètement, au lieu de rester plantée bêtement au bout d’une table, à siroter un verre d’hydromel sans conviction. Si un autre qu’Heimdall était venu troubler son moment de répit, elle s’en serait offusquée. Mais le protecteur d’Asgard fait partie de ceux dont elle apprécie la présence à tout instant, sans doute parce qu’il n’a jamais essayé de la changer et s’est toujours gardé de la juger. Heimdall est un ami digne de ce nom, un ami qu’elle aimerait voir abandonner ses lourdes responsabilités un peu plus souvent. « Si tu veux mon avis… Mon humble avis, cela va sans dire… Je pense que ces banquets servent surtout à en caresser certains dans le sens du poil. » Sigyn hausse un sourcil avant de secouer la tête en riant doucement. Odin, Thor, Tyr, sa propre mère… Elle déteste les entendre vanter leurs prouesses sanguinaires. Peut-être est-elle terriblement naïve, mais elle doute que la violence soit la solution à tous leurs problèmes ; comme si le monde ne souffrait pas déjà de suffisamment de brutalité. En revanche, Sigyn ne se souvient pas avoir un jour entendu Heimdall se flatter d’avoir tué qui ou quoi que ce soit. Cela ne lui ressemble pas, aussi fabuleux guerrier qu’il soit il ne semble pas prendre le moindre plaisir à ôter la vie. Cette qualité qui le différencie des autres lui assure une place importante dans le cœur de la jeune déesse, qui peine à se sentir à sa place parmi les siens. Un sourire aux lèvres, Sigyn pose une main sur le bras d’Heimdall pour le rassurer. « Ta présence ne me dérange pas le moins du monde. Jamais, tu le sais bien. » La nervosité du dieu ne lui échappe pas, mais elle ne dit rien. Loin d’elle l’idée de dire ou faire quoi que ce soit qui puisse le mettre mal à l’aise. D’autant plus qu’elle sait parfaitement que si elle lui posait la moindre question, il n’aurait d’autre choix que celui d’y répondre, non pas parce qu’il est plus honnête que n’importe qui d’autre à Asgard, mais parce que le don de Sigyn l’y obligerait. Alors comme souvent, la déesse préfère garder ses pensées et ses interrogations pour elle pour ne pas causer de heurts. Si l’envie d’utiliser son pouvoir la démange parfois lorsqu’elle se trouve en présence de certains dieux ou déesses, Heimdall ne lui a jamais donné la moindre raison de vouloir le mettre dans l’embarras. Bien au contraire, elle c’est tout juste si elle ne le trouve pas trop droit.

Sigyn fronce légèrement les sourcils lorsque le dieu s’éloigne de quelques pas pour rejoindre le balcon. Quelque chose pèse sur sa conscience, c’est de plus en plus évident. Mais quoi ? Soucieuse, elle le rejoint. Que peut-il bien avoir à lui confier qui le perturbe autant ? Elle ne pense pas l’avoir déjà vu aussi fébrile, lui d’ordinaire si flegmatique, parfaitement maître de ses émotions. « Je… Je t’écoute, Heimdall. » Pour une raison qui lui échappe, Sigyn se sent pâlir, avant que ses joues ne virent à l’écarlate. Elle croise le regard azuré du dieu et tout à coup, elle a peur de comprendre ce qui le trouble, ce qui l’a poussé à chercher sa compagnie. « Tu n’es pas lâche, Heimdall, je ne connais personne qui soit plus courageux que toi. » Ses mots sont à peine murmurés et elle détourne le regard. C’est elle qui fait preuve de couardise en cherchant de façon bien maladroite à repousser l’inévitable. Elle ne peut ignorer les sous-entendus des paroles du dieu, elle ne peut prétendre ne pas comprendre ce qu’il essaie de lui avouer. Et déjà son cœur se serre face à la tragédie qui se profile. Plus longtemps elle se tait, et plus cruel est le silence. Les pensées se bousculent dans son esprit, elle se surprend à en égarer une pour Loki et la culpabilité vient la frapper de plein fouet alors qu’elle relève les yeux vers Heimdall. Pourquoi lui ? Pourquoi elle ? Ont-ils offusqué le destin d’une quelconque façon, pour qu’il décide de les torturer de la sorte ? « Ne dis rien… Je t’en prie, Heimdall, ne dis rien… » Sigyn a l’impression que son cœur pèse plus lourd qu’un bloc de pierre dans sa poitrine. Blesser Heimdall est la dernière chose dont elle ait envie ; s’il y en a bien un qui ne mérite pas cela, c’est lui. Elle ne trouve pas ses mots, elle ne sait pas quoi dire, elle ne sait pas s’il y a quoi que ce soit à dire. Finalement, c’est une question qui s’échappe de ses lèvres pincées. Une question à laquelle le protecteur d’Asgard ne pourra peut-être pas répondre, mais qu’elle ne peut s’empêcher de lui poser. « Pourquoi… Pourquoi maintenant ? Pourquoi pas avant que je… » Avant qu’elle ne se risque à céder aux avances de Loki. Avant qu’elle ne laisse son cœur s’ouvrir à quelqu’un d’autre. Et sans le moindre doute, cette personne aurait pu être Heimdall. Quelle femme sensée ne voudrait pas d’un homme pareil ? « À quel moment ai-je fauté, pour que tu n’oses pas te confier à moi plus tôt ? Tu aurais pu rompre ma solitude à n’importe quel moment, Heimdall, à n’importe quel moment… » Elle l’avait souvent voulu, elle avait souhaité qu’il abandonne ses devoirs et ses responsabilités pour elle… Mais il ne l’avait jamais fait, et elle n’avait rien dit non plus. Pas par lâcheté non plus, mais parce qu’elle ne pensait pas mériter son attention – ou son affection.

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Heimdall ne pouvait qu’être d’accord avec Sigyn. Bien souvent, ces banquets n’étaient qu’une excuse pour vanter les exploits guerriers des dieux. Pour autant, il appréciait y participer, en grande partie pour l’esprit de camaraderie qui régnait alors. Les conflits semblaient oubliés pour un temps. Et même si les querelles reprenaient bien vite, les asgardiens avaient au moins eu cet instant, aussi temporaire puisse-t-il être. « Tu as sans doute raison… Mais pendant quelques heures, ils ne se déchirent pas pour des histoires d’égo, ce qui est assez reposant. » C’était lui qui voyait tout, lui qui devait veiller à ce que les conflits n’aillent pas trop loin. Alors il accueillait à bras ouverts ce répit, quand bien même cela ne durait jamais longtemps. La déesse finit alors par rassurer le guerrier, celui-ci craignait troubler sa tranquillité. Sigyn était bien plus douce que la majorité des dieux de leur panthéon, alors les festivités guerrières n’avaient jamais été un moment qu’elle appréciait. Il faut dire que certains d’entre eux n’hésitaient pas à livrer des témoignages détaillés de leurs exploits, insistant bien trop sur les éléments les plus sanglants. Si le dieu était habitué, il pouvait aisément comprendre que ces récits pouvaient indisposer la déesse.

Et alors que le temps semble s’étirer, secondes semblables à des heures tant sa nervosité le troublait. L’aveu est là, au bord des lèvres, prêt à se déverser et tout changer à jamais. Sigyn comprend bien trop vite – c’est qu’il n’a jamais été très discret concernant sur ce qu’il ressentait, regards et gestes qu’ils peinaient à dissimuler, même si les mots n’avaient jamais quitté ses lèvres auparavant. Elle le connaissait, amie chère et proche qui se doutait forcément du trouble qu’elle avait jeté sur son cœur. C’est pourtant le désarroi qu’il observe sur son visage. La peur de blesser, sans doute, de perdre un ami après ces révélations qui ne pourront mener à rien d’autre qu’un rejet. Il le savait, Heimdall, mais il ne pouvait plus taire ce qu’il éprouvait, pas sans s’en vouloir à jamais. « Je sais, Sigyn. C’était juste trop… » Il marque une pause, cherche les mots pour s’expliquer. Les raisons avaient été nombreuses, trop nombreuses. Elles s’étaient accumulées pour former une liste effrayante au point que le guerrier, pourtant si brave sur le champ de bataille, avait préféré renoncer, repousser le moment fatidique quitte à gâcher ses chances à jamais. « Il y avait tellement de raisons me poussant à ne jamais rien te dévoiler. Je n’étais pas sûre de mériter ton affection et j’avais peur de ce qui pourrait arriver.. » Si elle venait à le repousser. Le malaise viendrait-il s’installer entre eux, gâcher leur amitié si belle et nécessaire à ce qu’il se sente bien ? Finalement, le dieu soupire, conscient que son attente était, en grande partie, la raison pour laquelle rien ne pourrait jamais arriver entre eux. « Et quelque part, je crois bien que j’ai toujours su que tu lui étais destinée, Sigyn. D’une façon ou d’une autre, c’est toujours à ses côtés que je te vois. » Vérité cruelle et blessante, vérité qu’il avait pourtant affrontée sans jamais chercher à s’interposer entre eux. Si Loki et Sigyn étaient faits l’un pour l’autre, il le respecterait. Pourtant… Pourtant, il a besoin de tout lui avouer, comme, peut-être, pour passer à autre chose. Ou du moins, essayer, même si c’est le temps qui lui sera nécessaire pour réussir une telle tâche. Il se retourne brusquement vers elle, affolement du palpitant qui semble décider à battre jusqu’à quitter sa cage thoracique. « C’est d’autant plus ridicule d’éprouver ce que j’éprouve en sachant tout cela, mais c’est plus fort que moi, Sigyn. C’est pour cela que j’ai besoin de te le dire, j’ai besoin que tout soit clair. » Il peinait à se faire comprendre, à exprimer clairement ce qu’il voulait dire. Il comptait surtout sur la patience et la compréhension de la déesse pour compléter ce qu’il ne disait pas ouvertement. « Je t’aime, Sigyn. Et même si ce n’est pas ton cas, j’ai besoin de te le dire. Je crois bien que cela dure depuis des années mais que je n’ai jamais voulu t’importuner avec mes sentiments. » Et c’était bien là le fardeau d’Heimdall – vouloir tout porter jusqu’à ne plus pouvoir, et se délester au moment le moins opportun.

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