she wanted a storm to match her rage (MARRIC)

she wanted a storm to match her rage

"A father’s tears and fears are unseen, his love is unexpressed, but his care and protection remains as a pillar of strength throughout our lives." @Marric Kingsley

Perséphone n’a jamais été réellement chez elle sur l’Olympe. Du temps où Héra était encore en vie, elle osait à peine y mettre les pieds, toujours consciente de son ombre qui planait au-dessus d’elle. Par quel miracle n’était-elle pas parvenue à l’étrangler, comme elle avait tant essayé de le faire avec les enfants illégitimes de son époux ? Et par quel autre merveilleux hasard Déméter avait-elle échappé à son courroux ? L’histoire ne le dira pas. Héra est morte, Déméter l’est aussi. Mais Perséphone est en vie, elle. Envers et contre tous, elle a survécu à son siècle de captivité. Elle ne s’en est pas sortie indemne, oh non, bien loin de là, mais elle est en vie. Et cela doit compter pour quelque chose. Pour la mémoire de sa mère adorée, cela doit compter. Mais pour quoi, et pour qui ? Peut-être est-il encore trop tôt pour qu’elle se pose de telles questions. Il y en a d’autres qui attendent et avec elles, cette rage qui bouillonne comme de la lave en fusion, prête à entrer en éruption à n’importe quel moment du jour et de la nuit. Perséphone a du mal à se reconnaître. Bien qu’elle n’ait jamais été un modèle de douceur et de patience, elle ressemblait autrefois davantage à la rose qu’à ses épines. Sa rancœur ne la quitte presque jamais, elle pèse lourd sur ses épaules. Elle aimerait pouvoir la retirer, la poser quelque part et l’oublier pour toujours mais elle n’y parvient pas. Elle est ancrée trop profondément en elle et ses plaies sont encore à vif. L’une d’entre elles ne se refermera probablement jamais, parce qu’à chaque fois qu’elle regarde sa fille, pourtant innocente de tout mal, elle le voit lui. Perséphone serre pourtant la main de la petite Demetria fermement dans la sienne comme si elle s’attendait à ce que quelqu’un ne l’enlève à tout instant. Même sur l’Olympe, où seuls les siens peuvent se rendre. La fillette suit sa mère sans dire un mot, promenant un regard à la fois émerveillé et apeuré sur ce qui les entoure. De l’Olympe, des Olympiens, Demetria ne sait que ce que Perséphone lui a raconté. Elle n’a rencontré que Nyx et Hécate, les autres demeurent un mystère pour elle. Mais déjà, du haut de ses quatre ans, elle sait lesquels d’entre eux sont à craindre. En tête de liste se trouve justement celui qu’elle s’apprête à rencontrer ; le roi des dieux, Zeus en personne et accessoirement, son grand-père.

La démarche de Perséphone est déterminée, elle ne veut pas que Demetria ressente ses angoisses. Pourtant, son cœur tambourine furieusement dans sa poitrine. Elle a longuement hésité avant de se rendre sur l’Olympe après que Nyx lui ait confié avoir entendu dire que son père s’y trouvait. Comme si elle avait honte, mais honte de quoi ? Honte d’être tombée entre les mains des Romains, honte de ne pas avoir été assez forte pour leur échapper ? Perséphone n’a pas hérité que des yeux clairs et la blondeur de sa chevelure. Elle a un caractère aussi tempétueux que le sien et est probablement trop orgueilleuse pour son propre bien. Mais même sa fierté a ses limites : Perséphone sait qu’elle doit mettre Demetria en sécurité, et qui de mieux placer pour l’aider que Zeus ? Quand elle a l’impression de sentir de l’électricité dans l’air, elle accélère le pas, entraînant derrière elle la petite Demetria qui proteste timidement contre l’allure soutenue de sa mère. Quand elle s’immobilise, la fillette manque de se heurter contre ses jambes et quand finalement elle aperçoit la silhouette masculine quelques mètres devant elles. Effrayée, elle se cache derrière sa mère et s’accroche au tissu de sa robe. « Père… ? » Ce n’est qu’un murmure qui échappe à Perséphone, le murmure d’une déesse qui l’espace d’un instant redevient une petite fille qui cherche le réconfort de son père. Une petite fille qui finit par s’écrouler sous le poids du siècle écoulé et ne résiste pas à l’envie, au besoin impérieux de se précipiter dans les bras de son géniteur. Une larme coule, puis deux, puis trois, et finalement ce sont d’énormes sanglots qui secouent Perséphone. Elle ne parvient plus à articuler le moindre mot, trop agitée par ses maux. Et à côté d’elle, la petite Demetria qui ne comprend pas, qui se cache de Zeus dans les jupes de sa mère qu’elle voit vaciller pour la toute première fois. Elle fixe le dieu de ses grands yeux bleus, les mêmes que ceux de Perséphone.

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On était bien qu'à la maison. Olympus était pourtant tellement vide depuis les dernières années. Un grand nombre des siens préféraient évoluer à Sanctum avec tous ses dieux inférieurs. Lui, il était incapable d'y passer trop de temps. Olympus avait toujours été son domaine et même les couloirs presque vides et l'écho sur les colonnes ne changeait rien à cela. Ici, il pouvait trouver un semblant de paix, de solitude. Il était si rarement capable de se reposer et il n'y avait dans dans sa haute demeure olympienne qu'il se permettait de baisser ses défenses. Il ne s'attendait donc pas à entendre une voix s'élever dans son dos. Cette voix particulièrement. Il se retourna et posa les yeux sur une revenante. - Perséphone... Il vit les larmes qui se mirent à tomber sur les joues de porcelaine de sa fille et il ressentit une surcharge électrique le traverser de la tête aux pieds. Réaction automatique d'un père qui voit ses enfants traverser des temps difficiles. Qu'est-ce qui avait bien pu arriver à Perséphone pendant ce siècle où elle avait simplement disparu ? Il était déchiré. Une partie de lui avait besoin de savoir, l'autre craignait les révélations. En presque cent ans, forcément elle devait avoir vécu plus d'une épreuve. Des épreuves, oui, car un siècle sans signe de vie, il ne pouvait que craindre le pire. Et pire encore, il n'avait pas pu l'aider... Quand il avait appris des autres que sa fille avait refait surface, il n'avait pas voulu le croire mais elle était là aujourd'hui. Il ne lui fallu qu'une seconde et qu'une enjambée pour briser la distance et venir serrer sa fille dans ses bras. Il dû maîtriser sa force pour ne pas l'écraser dans son étreinte paternelle et presque désespérée. Il avait besoin de s'assurer que c'était bien elle. Qu'il n'était pas en train de rêver. Les rumeurs étaient donc vraies, elle était en vie.

Plusieurs secondes passèrent, le dieu se laissa ainsi tout le temps du monde pour savourer le bonheur de la savoir en vie et maintenant intouchable auprès de lui. Il se détacha enfin et observa son visage, ses traits. Il essuya ces larmes d'un mouvement du pouce. Il détestait la voir dans cet état. Il sentait l'orage en lui, un mélange d'indignation envers quiconque lui aurait fait du mal mais aussi honteux de n'avoir su aider sa fille. Quelque chose en elle semblait différent. Il ne pouvait pas mettre le doigt dessus. Physiquement elle était la même mais quelque chose dans ses yeux identiques aux siens ne l'était pas. - Où étais-tu ? Je croyais que le pire était arrivé. Que je t'avais perdu aussi. Il baissa les yeux et ce fut uniquement à ce moment que le dieu remarqua la petite silhouette attachée à Perséphone comme si elle essayait de ne faire qu'un avec elle. Il fronça les sourcils, son esprit comprenant tout de suite qui pouvait être cet enfant mais il ne voulait pas accepter la conclusion qui s'imposait. Il se détacha un peu plus de sa fille pour mieux jeter un coup d'oeil à la petite. - Persé ? Il releva la tête vers la déesse, la questionnant du regard. Qui était cette enfant ? Pourquoi avait-il l'impression qu'il ne voulait pas connaître l'histoire derrière ce petit visage innocent...

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Où était-elle ? C’est une question à laquelle Perséphone ne supporte déjà plus de répondre. Il le faudra bien, pourtant. Zeus n’est pas seulement son père, il est son roi, le dieu des dieux, et lui seul possède le pouvoir nécessaire pour l’aider à obtenir la vengeance qu’elle espère tant. Ce n’est pas pour autant que les mots sont faciles à prononcer. Elle aurait aimé que l’étreinte dure plus longtemps encore, elle aurait aimé pouvoir se rassasier de l’essence paternelle et protectrice de Zeus encore un peu. Mais le dieu a des questions, il s’interroge quant à son absence séculaire et elle ne peut que le comprendre. À sa place, elle aurait voulu tout savoir. Pour autant, Perséphone ne sait pas par où commencer, étrangement. Naturellement, son père se demande qui est l’enfant qui l’accompagne, ou s’il devine en partie son identité, il ne peut imaginer le récit que la déesse du printemps s’apprête à lui conter… Puisqu’elle se doit d’endosser le rôle de fille en même temps que celui de mère, Perséphone serre Demetria contre elle pour la rassurer du mieux qu’elle le peut. Zeus est un dieu impressionnant, personne n’ignore son pouvoir, pas même la petite fille qui essaie tant bien que mal de disparaitre derrière les jupons de sa mère. Le regard de Perséphone est fuyant ; elle doit se faire violence pour soutenir celui de son père. Lorsqu’elle commence à parler, sa voix est tout juste un murmure. « Lorsque nous avons été libérés, j’ai voulu quitter les Enfers pour aller rejoindre Mère… Elle m’avait tant manqué. » Le spectre de Demeter hante l’Olympe. La déesse a l’impression de sentir la présence de sa génitrice, une présence qui la réconforte autant qu’elle l’attriste. « J’ai été sotte. Imprudente. Je n’ai pas attendu Hadès, je ne l’ai pas écouté, je me suis précipitée… Quelqu’un était là, à attendre patiemment que je quitte mon royaume. » Perséphone déglutit lentement, elle peine à parler, à énoncer la vérité à son père. Les souvenirs sont trop nets, et les blessures encore ouvertes et douloureuses. « Pluton m’a tendu un piège. Ce maudit Romain, ce… Ce monstre… » La mâchoire de la déesse se crispe et elle lutte pour empêcher les larmes de couler sur ses joues. Elle se sent fragile, vulnérable, et elle a horreur de cela. « J’ignore où il m’a emmenée, je ne sais pas où il m’a gardée prisonnière pendant tout ce temps. Il jalousait Hadès depuis bien longtemps, et s’il ne pouvait avoir son royaume, alors il lui prendrait sa reine. C’est ce qu’il m’a dit. Pendant toutes ces années, j’ai été sa captive et son jouet favori. Je t’en prie, Père, ne me force pas à te dire tout ce qu’il m’a fait subir… » Jusque-là triste, son expression se fait plus sombre, la colère déforme ses traits. « Quand Héra est morte, la malédiction qu’elle avait jetée sur Hadès et moi a été levée. Hélas pour moi, ce n’est pas mon époux qui était à mes côtés lorsque c’est arrivé. C’était Pluton. » Perséphone éprouve autant de haine pour son bourreau que pour sa belle-mère. Héra ne l’avait jamais portée dans son cœur, elle, le fruit d’un énième adultère de son époux, et Perséphone lui avait bien rendu son mépris. Doucement, elle pousse la petite fille encore cachée derrière elle devant Zeus, pour qu’il puisse mieux la voir. « Elle s’appelle Demetria. Elle est ma fille, et celle de personne d’autre. De son géniteur, elle ne connaîtra rien, je refuse qu’elle grandisse avec un tel fardeau sur les épaules. » Elle caresse doucement les cheveux de la fillette, qui n’a toujours pas osé relever les yeux vers son grand-père. « Hadès a parcouru la Terre entière pour me retrouver. Mais ce sont finalement Hécate, Nyx et Enyo qui nous ont trouvées et secourues. J’ose espérer que toi aussi, Père, tu m’as cherchée… Que tu n’as pas osé croire que j’aie pu prendre la fuite et abandonner mon époux, mon royaume et ma famille. »

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Il le devinait déjà mais il ne voulait pas y croire. C’était hors de question. Il était habitué à la mort sur les champs de bataille et le deuil que cela engendre. Mais l’idée que sa fille puisse avoir été victime des plus bas instincts d’un Romain pendant tout ce temps, c’était presque pire puisqu’à présent, il pouvait voir toute la douleur que cela avait causé à sa fille. Qu’elle ait pu donner un enfant de ce crime, c’était encore plus immonde qu’il ne pouvait le supporter. Le coeur du père se brisait à chaque mots qui tombaient de la bouche de Perséphone. Il avait du mal à se contrôler et malgré la présence de la petite, le dieu de la foudre ne put se retenir. Des éclairs craquaient à ses jointures qu’il serait de toutes ses forces et leur chaleur était trop intense pour arriver à les contenir. Le tonnerre vint écorcher leurs tympans alors qu’il envoyait une décharge violente vers une statue de fontaine qui trônait là depuis des milliers d’années. La pierre éclata en mille morceaux et dans un vacarme percutant alors que des filaments électriques continuait de danser au bout de ses poings. Sa respiration était lourde, il lui fallut toute la volonté du monde pour se reprendre et que les éclairs disparaissent enfin pour laisser place au vide, au silence. Un éclat de colère qui n’était en rien dirigé vers sa fille, ni la pauvre gamine terrorisée dans ses jupes mais bien une colère qui avait eu besoin d’exploser faute d’avoir le coupable devant lui. Les révélations étaient trop violentes pour son coeur de père, il n’arrivait pas à se contrôler. - Où se trouve-t-il ? OÙ EST-IL ? Sa voix s’élevait même s’il tentait de rester calme. C’était un exploit que même le dieu des dieux ne pouvait pas entreprendre. À présent, tout ce qui importait c’était de faire regretter à ce monstre ce qu’il avait fait. Il ignorait que l’agresseur avait déjà était éliminé mais c’était tout ce qui le préoccupait à présent. Il s’apprêtait même à rassembler quelques affaires pour partir à sa recherche. Sur un coup de tête, sans rien prévoir. L’émotion était trop vive pour laisser place au Zeus réfléchi et diplomate.

Il tentait de contrôler sa respiration et par le fait même ses émotions mais c’était extrêmement difficile et ce n'était que la présence de Persé et son regard sur lui qui l'empêchait de commettre l'irréparable. - Bien sûr que je t’ai cherché. Peut-être pas autant que j’aurais dû, c’est mon plus grand regret. S’il avait su… il n’aurait pas passé une seule seconde à se lancer sur les traces du meurtrier de sa femme. Il aurait passé le reste de l’éternité à tenter de libérer Perséphone des griffes de Pluton. Il se demandait ce que son frère pouvait ressentir de voir sa femme avec l’enfant d’un autre. Et il était en colère pour lui à présent. Il voyait bien que Perséphone voulait protéger la petite des circonstances de sa naissance, des horreurs que ce monde réservait autant aux dieux qu’aux humains. Elle était une bonne mère et sa réaction ne faisait que prouver qu’il était depuis toujours un père indigne. Et probablement un grand-père tout aussi indigne. Oh, quelle première impression venait-il de donner à sa petite-fille… Il baissa les yeux sur cette dernière et soupira. Son regard terrifié vint calmer les ardeurs de ses colères. Il passa une main sur son visage. - Je suis désolé. Il ne savait pas pourquoi au juste. Pour tout. Son manque de contrôle. Ne pas avoir pu la retrouver avant. De ce qui lui est arrivé. Tant de choses pour lesquelles être désolé, si bien qu’il n’arrivait pas à y mettre plus de mots. Il ne pouvait pas se permettre de montrer une quelconque faiblesse devant sa fille cependant. Alors malgré toute la peine et toute la douleur qu’il ressentait, il revint vers elle et la serra contre lui. Il se devait d’être fort pour elle. Pour elles.

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