only human. (erebos) [UA2]

Ce sont les rayons du soleil caressant ses paupières qui la tirent du sommeil profond dans lequel elle était plongée. Immédiatement, elle a l’impression que quelque chose est différent. Elle ne saurait dire quoi – juste une sensation, comme un mauvais pressentiment qu’un évènement terrible la guette. Artémis passe outre, convaincue qu’elle pouvait affronter n’importe quel tourment envoyé par le destin. Après une longue douche, elle se dirige vers le salon, cherche à déloger Onyx du divan sur lequel elle s’était installée, lieu pourtant interdit pour elle. Et, alors qu’elle tend la main vers la bête, celle-ci se met à grogner. Ce n’était encore jamais arrivé. L’influence de la déesse sur les animaux était telle qu’aucune d’entre eux ne cherchait à se rebeller contre elle. Elle se concentre, persuadée qu’il s’agit nécessairement d’un accident isolé. Rien ne change. L’animal la regarde sans bouger. Les pires hypothèses expliquant cette situation viennent secouer son esprit. Impossible… Elle doit vérifier. Alors, c’est vers une plante qu’elle se tourne, doigts qui viennent frôler les feuilles fanées. Rien ne se passe. Elle secoue la tête, sent son cœur s’emballer dans une course effrénée alors que la panique vient lui serrer la gorge. La chasseuse refuse d’y croire, persuadée qu’il s’agit là de coïncidences, qu’il lui faut plus prouver que sa théorie est vraie. Alors, la solution la plus extrême la frappe. Elle se rue vers une armoire située dans le couloir. Elle y a entreposé de nombreuses armes, prête à affronter n’importe quel ennemi s’imposant à elle – et, également, prête face à l’éventualité d’une nouvelle guerre entre les panthéons, doux espoir qu’elle caresse du bout des doigts depuis que ce semblant de paix a été installé. Artémis s’empare d’une dague, fait quelques pas vers le salon et, sans hésiter, guide la lame contre la peau fine de son bras. La douleur lui fait grincer les dents bien plus qu’à l’accoutumée. Le sang coule à profusion, venant tâcher le sol maculé.

Elle n’est plus une déesse. Elle n’est rien d’autre qu’une mortelle, faible, inutile. La conclusion est venue après de longues minutes passées à fixer l’entaille ornant son bras. Celle-ci est restée inchangée, même après une certaine période de temps. Pas de guérison, pas de douleur allégée. Pire encore, elle a bien senti l’épuisement causé par la blessure, s’appuyant sur le rebord du divan. Mais pourquoi ? Comment ? Qui avait-elle offensée pour se retrouver ainsi affaiblie ? A coup sûr, elle avait heurté le mauvais égo, elle qui se souciait si peu des sentiments de ceux qui l’entouraient. L’olympienne en payait aujourd’hui le prix fort ; elle disait adieu à son immortalité, à ses pouvoirs, à sa force surhumaine. Elle n’était rien de plus qu’un de ces êtres qu’elle méprisait tant. Une tempête de sentiments fait rage en elle, entre colère face à celui qui avait osé la rabaisser de la sorte et tristesse d’avoir ainsi tout perdu. Elle n’a pourtant pas le temps de s’attarder sur ces émotions et sur ce que ce nouveau statut impliquait pour elle. Erebos apparaît dans son salon, léger soulagement qui l’envahit grâce à la présence du dieu. « Je… » Elle se tait. Comment lui annoncer un évènement aussi horrible ? Elle aurait préféré mourir qu’avoir à endurer un tel affront. Les yeux du dieu sont forcément attirés par l’entaille et par la dague ensanglantée qu’elle tient encore dans son autre main. Artémis se redresse, faible tentative pour regagner de sa superbe malgré l’abattement qu’il pourra facilement lire en elle. « Je ne sais pas comment c’est arrivé mais je suis… Je suis humaine. » Choc qu’elle peine à dissimuler, elle d’habitude si maîtresse de ses émotions.

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Visiter Sanctum ne lui paraissait plus aussi terrible qu'autrefois. Il faut dire qu'il ne se sentait plus aussi étranger depuis que Nyx et ses enfants y avaient finalement établi leur résidence. La nuit et sa progéniture régnaient en maîtres sur l'île où l'on reconnaissait enfin leur existence, à défaut de reconnaître leur véritable puissance. Difficile d'attirer l'attention du Conseil, lorsque le dieu des dieux y siégeait pour l'éternité. Difficile pour les êtres de la nuit d'exister face au foudroyant Zeus, être ultime de lumière céleste. Tout en lui jusqu'à la blondeur de ses yeux irradiait. Il ne méritait pourtant guère son titre, tout comme le respect qu'on lui incombait alors qu'il se moquait bien de le rendre. Erebos ne l'avait jamais aimé et l'aimerait jamais. Par contre, il éprouvait pour sa fille une attirance irréfutable. De tous les dieux imbus, elle avait été la seule à lui offrir un peu d'estime et dans sa rage perpétuelle, il avait trouvé l'écho de la sienne.

Alors que la nuit s'était enfuit pour laisser place au jour, la chasseuse avait suivi l'élan de sa consœur pour déserter les draps partager avec les ténèbres. Erebos s'était réveillé seul dans la chambre d'Artémis. L'absence de son corps tiède près du sien le poussa à se lever pour aller la chercher. Il la trouva facilement dans la pièce à vivre, assise sur une banquette, immobile. Le dieu s'avança vers elle, notant un regard inhabituellement éteint chez elle. D'une œillade ébène glissée sur ses traits, il remarqua immédiatement la pâleur de son teint et ce curieux émoi assombrissant ses prunelles. Quelque chose n'allait pas chez la déesse de la chasse. A force de l'avoir combattu et d'avoir satisfait ses désirs, Erebos était parvenu à déchiffrer ses humeurs. Artémis faisait rarement preuve de sensiblerie. La rage était sa principale émotion, le moteur de son corps et de son âme. Jamais elle ne montrait ses faiblesses, notamment parce qu'elle n'en possédait aucune. Alors voir la détresse inonder son visage ne manquait pas d'interpeller le dieu des ténèbres. « Ne joue pas, Artémis » cingla Erebos, lorsque la chasseuse avoua qu'elle pensait être devenue humaine. C'était impossible. Ridicule. Inconcevable. Pourtant, la peur demeurait dans les yeux d'Artémis. Le dieu s'approcha d'elle et remarqua alors l'entaille saillant son bras. Un liquide carmin s'en écoulait jusqu'au sol, tâchant sa robe immaculée. Ce fût la couleur du fluide organique qui le fit se figer sur place. Artémis saignait de l'hémoglobine, du sang humain et non pas de l'ichor à la couleur dorée caractéristique de leurs attraits célestes. Il s'empara de la dague qu'elle tenait entre les mains et creusa sa propre chair pour vérifier son hypothèse. Le liquide qui s'écoulait de sa paume avait la couleur du soleil. Artémis était belle et bien devenue humaine. « Qu'as-tu fait ? » demanda-t-il, affolé. Le dieu des ténèbres prit le visage de la chasseuse entre ses mains pour qu'elle le regarde dans les yeux. « Quelle déesse as-tu offensé ? Quel dieu as-tu menacé ? Répond-moi ! » aboya-t-il en la secouant. Pour lui, cela ne pouvait être que la seule explication. Un mauvais sort lancé par une autre divinité en signe de représailles. Artémis était d'une nature volcanique, à s'emporter à la moindre occasion. Cette fois avait dû être la fois de trop. Plus vite il saurait de quoi il en retournait, plus vite il pourrait lever la malédiction dont elle était victime.

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