lost and found (astra)

Les années ne t’avaient malheureusement pas donné la chance de développer beaucoup de liens forts avec les autres. Enfin, c’est plutôt toi qui aies laissé les gens autour de toi entrer et sortir de ta vie avec une grande facilité, en les évictant toi-même lorsqu’ils commençaient à prendre un peu trop leur aise. C’est que tu t’es vite fait à l’idée qu’il valait mieux pour toi de compter sur ta propre personne avant tout et de ne pas trop te fier sur n’importe qui. Comme si du jour au lendemain, ces relations durement batties pouvaient tout simplement s’envoler. C’est d’ailleurs ce que tu as fait, toi : t’envoler. Tu as quitté New Haven pour rejoindre Sanctum à la première occasion venue, sans un regard vers l’arrière et sans une pensée pour ceux que tu as abandonnés. Tu as ainsi laissé cette ancienne identité mourir . Il t’arrivait bien à quelques rares occasions de te demander ce qui était advenu de ta famille et de tes proches après ton départ. Tu songeais alors à ce que ta perte pouvait leur avoir fait, mais tes idées devenaient alors rapidement sombres et tu préférais les chasser loin de ton esprit. Un voleur comme toi ne peut pas avoir de remords, encore moins développer de l’empathie. Ça en est presque un défaut lorsque son occupation consiste à tromper les gens et user de leurs faiblesses. Un sentiment contre-nature, en somme. Et malgré cela, il t’arrivait depuis quelques temps de te questionner sur tes gestes, de te remettre en question. Cela commençait même à arriver de plus en plus souvent, trop souvent à ton goût.

Contre toute attente, il pouvait aussi arriver que le passé habilement enfoui sous terre remonte à la surface. Changer de ville, de nom, d’habitudes, ce n’était peut-être pas assez, finalement. Toi qui croyait avoir enterré Tomas pour de bon, tu apprends qu’une vieille connaissance s’est elle aussi réfugiée dans la ville des dieux. Tu aurais peut-être auparavant décidé de faire profil bas et d’éviter de croiser son chemin. Ce serait même peut-être plus judicieux compte tenu de tes engagements auprès des Midas, et de cette identité que tu empruntes dorénavant pour garder l’autre secrète. Plus le temps s’écoule, toutefois, et moins tes choix sont guidés par la raison. Tes pieds se plantent ainsi devant la porte d’une demeure fort impressionnante, très loin du centre de Sanctum. Tu ne peux t’empêcher de réaliser à ce moment-ci que c’est la deuxième habitation d’un Asgardien que tu t’apprêtes à franchir. En tant qu’invité, qui plus est. On te l’aurait dit il y a quelques années à peine que tu ne l’aurais jamais cru. Les choses changent et cela t’effraie. Tu arrives à donner un coup sur la porte, suivi d’un deuxième, une boule d’appréhension devenant de plus en plus lourde dans ton ventre. La vérité est que tu ne sais pas à quoi t’attendre. Autant tu peines à deviner la réaction qui t’attend, autant tu n’es même pas certain de faire bonne route. Qui sait, tu es peut-être en train en frapper à la porte d’un dieu pour n’y trouver qu’un pur inconnu devant toi. Ça te semble même plus plausible comme idée. Et alors que tu commences à douter, l’entrée s’ouvre sur une jeune brune qui t’est bel et bien familière. Elle a changé, c’est vrai, mais c’est bien elle, avec ses traits fins et son regard profond. « Astra. » Tu restes un moment là, un peu incrédule, sans trop savoir quoi ajouter d’autres. Tu dois avoir l’air bien ridicule avec ce sourire discret que tu tentes d’esquisser. Tu es heureux de la retrouver, même si cette réjouissance est teintée d’une nervosité palpable. « Je ne pensais pas te trouver ici. Enfin, je n’étais pas certain. Mais tu es là. » Elle est là, et tu es là, et vous vous retrouvez tous les deux dans cette ville qui vous semblait bien être à l’autre bout du monde à une certaine époque. Vous n'étiez que des gamins lorsque vos chemins se sont croisés pour la première fois, et les choses étaient bien différentes.

CODAGE PAR AMATIS
AVATARS PAR NIGHT SKY.

Astra fronce le nez. Depuis quand l’odeur des fleurs l’incommode-t-elle à ce point ? C’est pourtant elle qui a insisté pour disposer des bouquets un peu partout dans la vaste demeure d’Heimdall, pour y apporter une touche de couleur et de gaieté. Et ce matin, elle a l’impression que le parfum des fleurs est entêtant au point de risquer de lui donner une migraine. Alors à peine debout, Heimdall parti s’occuper d’une affaire urgente, elle s’affaire pour aérer les pièces et sortir les vases qu’elle pose sur la table du jardin, soudain plus garnie que la boutique d’un fleuriste. Elle n’a pas faim non plus. Ou plutôt, l’idée d’avaler quoi que ce soit lui donne la nausée. Sans doute a-t-elle mangé quelque chose qui n’a pas plu à son organisme la veille, ou peut-être le jour d’avant. Toujours est-il qu’elle abandonne vite l’idée de prendre un petit-déjeuner – et tant pis si Heimdall râle à ce propos à son retour. Ce n’est de toute façon pas comme si le dieu pouvait la forcer à faire quoi que ce soit. Astra s’est découvert un merveilleux pouvoir ; celui de pouvoir le faire céder au moindre de ses caprices, à la moindre de ses volontés. Homme sage par nature, Heimdall est pourtant impuissant face à la femme qu’il aime. Une vertu fraîchement trouvée loin de déplaire à Astra, qui n’est pas peu fière d’avoir cet effet là sur lui. Et puis, de toute façon, le contraire est trop vrai pour qu’elle éprouve le moindre remord. Ils sont tout juste rentrés de leur séjour en Norvège, et Astra est encore sur un petit nuage. En temps normal, elle aurait détesté être à ce point distraite. Avoir la tête ailleurs, ne pas faire attention à son environnement, être songeuse… Cela va à l’encontre de ses années d’entraînement dans l’armée, puis chez les Aurores. Et pourtant, d’une certaine façon, c’est libérateur. Parce qu’à Sanctum, elle n’a pas besoin d’être sur ses gardes en permanence. Pour la première fois depuis la disparition de sa mère, quelqu’un est là pour veiller sur elle à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. Même lorsqu’il n’est pas à ses côtés, Astra peut sentir le regard bienveillant et protecteur d’Heimdall sur elle, et c’est quelque chose de profondément rassurant pour la jeune femme. Ne plus avoir besoin de regarder par-dessus son épaule est une bénédiction. Elle qui craignait de ne pas réussir à s’accoutumer à sa nouvelle vie trouve que, finalement, les choses sont plus simples qu’elles ne l’ont jamais été auparavant. Tout n’est pas idyllique, il leur reste quelques détails à régler, mais en attendant Astra profite de n’avoir à s’inquiéter de rien.

Elle hausse un sourcil quand on frappe à la porte. Heimdall ne l’a pas prévenue d’une quelconque visite ; mais si elle avait à s’en inquiéter, il serait là. À côté d’elle se tient son chien-loup, Rigg, qui fixe la porte la tête légèrement inclinée sur le côté, curieux de savoir qui se trouve derrière. Tout aussi intriguée, Astra va ouvrir et le moins qu’on puisse dire, c’est que la surprise est de taille. Tomas Lazcano est la dernière – la dernière ¬– personne qu’Astra s’attendait à trouver sur le pas de sa porte. Il en faut beaucoup pour la surprendre, mais la simple présence de Tomas devant elle suffit à la rendre muette de stupéfaction. Les yeux écarquillés par la surprise, Astra est incapable de dire le moindre mot pendant de longues secondes. Que fait-il à Sanctum ? Non, à bien y réfléchir, sa présence sur l’île des dieux a du sens. À New Haven, elle a perdu sa trace il y a bien longtemps, des années se sont écoulées depuis leur dernière rencontre. « Je… Je suis là, oui. » Comme si c’était une évidence. Tout à coup Astra se souvient de Tomas et elle, adolescents, rêvant d’une vie à Sanctum, parmi les dieux. À l’époque ce n’était rien de plus qu’un fantasme enfantin, une éventualité à laquelle il ne fallait pas s’accrocher. Et pourtant ils sont là, à Sanctum, tous les deux. Elle dans la demeure d’un dieu dont elle partage le quotidien. « Tomas. Je ne pensais pas… Je ne pensais pas te revoir un jour. » Parce qu’il a disparu de sa vie du jour au lendemain, sans un mot, sans une explication. Parce qu’elle a manqué de mourir. « J’avais presque oublié que j’étais plus grande que toi. » Astra sourit. Et sans qu’elle ne comprenne vraiment pourquoi, elle sent les larmes lui monter aux yeux et son cœur se mettre à cogner un peu plus fort dans sa poitrine. Par tous les dieux, depuis quand est-elle émotive à ce point ? Qu’importe, ce n’est pas tous les jours que l’on retrouve une personne que l’on pensait perdue à jamais. « Tomas… Oh, Tomas ! » Au diable la retenue, Astra se laisse tomber dans ses bras et elle le serre avec force dans les siens. « Idiot, espèce d’idiot… Pourquoi as-tu disparu ainsi ? »

CODAGE PAR AMATIS
AVATARS PAR BAMBI EYES & VALKYRJA